Photo d'une colonie de bactéries d'eau prise en 2008.
Crédits photo : ASSOCIATED PRESS
De
nombreux cas de patients infectés par une famille de bactéries très
résistantes aux antibiotiques usuels ont été découverts en
Grande-Bretagne. La propagation rapide et massive de cette souche,
isolée pour la première fois en Inde en 2008, inquiète la communauté
médicale.
Nous
n'en sommes pas au scénario-catastrophe d'une pandémie bactérienne
incontrôlable, mais l'inquiétude grandit. Une nouvelle génération de
bactéries, touchant les poumons et l'appareil urinaire, très
résistantes aux antibiotiques usuels est en train de se propager dans
le monde entier. Dans une étude parue mercredi dans le journal The Lancet Infectious Diseases,
des chercheurs anglais, indiens, australien et suédois tirent pour la
première fois la sonnette d'alarme. La NDM-1 - c'est le nom de l'enzyme
produite par cette nouvelle souche bactérienne - «a de grandes chances
de devenir un problème de santé publique mondial. Une surveillance
coordonnée au niveau international est nécessaire.» C'est cette enzyme
qui rend inefficace les antibiotiques les plus courants, de la famille
des bêtas-lactamines (pénicillines, céphalosporines et même les
carbapénèmes, utilisés jusqu'à présent dans le traitement des souches
multirésistantes).
Isolées pour la première fois sur un patient suédois venu se faire
opérer dans un hôpital indien en 2008 (le nom de l'enzyme associée «New
Dehli métallico-bêta-lactamase 1», NDM-1, vient de là, ndlr), ces
bactéries d'un nouveau genre ont été identifiées avec certitude chez
près de 150 patients répartis en Inde et au Pakistan, et 37 personnes
en Grande-Bretagne, indique l'étude. Le professeur Patrice Nordmann,
chef du service bactériologie et virologie au Kremlin-Bicêtre et
directeur de l'unité INSERM 914 «Mécanismes émergents de résistances
aux antibiotiques», précise que l'on retrouve déjà ces bactéries en
Afrique et en Australie. «Quelques cas probables sont en cours
d'analyse en France», ajoute-t-il. Un éditorialiste du Lancet
indique par ailleurs que les «NDM-1» ont déjà été isolées aux
Etats-Unis, aux Pays-Bas et au Canada. Jusqu'à présent, aucune des
personnes touchées n'a succombé à l'infection.
Un cocktail d'antibiotiques toujours efficace
Ce qui inquiète la communauté médicale, c'est un faisceau très rare
de problèmes convergents. Tout d'abord, cette multirésistance aiguë aux
antibiotiques. «Seuls deux antibiotiques sont encore efficaces, mais le
premier, la colistine, ne peut être administré que par voie
intraveineuse, et le deuxième, la tigécycline, est inefficace contre
les infections urinaires », insiste le professeur Nordmann. Un gros
problème puisque ces nouvelles bactéries touchent plus particulièrement
l'appareil urinaire (elles peuvent également toucher les poumons) et
que ce type d'infection est très répandu. «Chaque année, environ 10%
des femmes en développent une en France», précise-t-il. Aucun nouvel
antibiotique efficace n'est attendu avant une dizaine d'années, estime
enfin le professeur Walsh, un des co-auteurs de la publication. Pour le
moment, les patients sont traités grâce à un cocktail d'antibiotiques
qui se montre encore suffisamment efficace. Mais pour combien de temps
?, s'interrogent les médecins.
L'Inde et le Pakistan constituent d'ores et déjà un réservoir
considérable de ces bactéries. Un endroit surpeuplé, un manque
d'hygiène désastreux et l'utilisation massive d'antibiotiques: les
conditions idéales étaient réunies pour voir l'émergence rapide d'une
souche très résistante. Les populations de cette région étant très
mobiles (flux migratoires très importants avec la Grande-Bretagne,
l'Australie et l'Afrique), et les deux pays très touristiques, la
bactérie pourrait continuer à se répandre rapidement dans le monde
entier.
«Eviter le tourisme médical en Inde et au Pakistan»
Autre source d'inquiétude, la bactérie n'a pas été isolée uniquement
dans les hôpitaux. Dans les deux pays source, elle serait déjà présente
dans les villes. Le professeur Nordmann se refuse toutefois à lancer le
moindre mouvement de panique. «Il est hors de question de déconseiller
aux gens de se rendre là-bas pour le moment. Eviter de pratiquer le
tourisme médical semble toutefois judicieux». De nombreuses personnes
se rendent en effet dans ces pays pour se faire opérer à bas coûts les
soins dentaires et la chirurgie esthétique y sont très bon marché. La
plupart des cas isolés dans le monde sont d'ailleurs liés à des
étrangers partis se faire opérer en Inde.
En France, les mesures à prendre seraient «en cours d'écriture» au
ministère. L'objectif étant de repérer les personnes infectées le plus
rapidement possible afin de les isoler et d'éviter les contagions. Mais
la situation n'est pas aussi préoccupante qu'en Grande-Bretagne où
«cela peut aller très vite», estime Patrice Nordmann.
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